Equivalence des soins

Droits sanitaires des détenus et le «principe de l’équivalence des soins» : un long combat inachevé ?

Prison de Saint-Antoine, Genève. Consultation dentaire, 1964. Photo : Mick Desarzens. Bibliothèque de Genève.

Selon le principe d’équivalence des soins, à l’égalité de la population libre, les détenus ont théoriquement les mêmes droits : recevoir des traitements médicaux, donner leur consentement éclairé, avoir la garantie de la confidentialité. Jour après jour, c’est la défense de ce principe qui anime les professionnels engagés dans les services médico-psychiatriques pénitentiaires. Notre étude cherche à documenter l’histoire d’un enjeu de santé publique devant, encore et toujours, être légitimé.

Le XXe siècle est jalonné par des projets visant à améliorer la condition socio-sanitaire des détenus et à lutter contre l’hygiène déplorable d’établissements vétustes. Ces projets se heurtent toutefois à des arguments adverses qui dénoncent des coûts économiques difficilement défendables auprès de la population. Par exemple, en 1950, le projet de créer un poste infirmier à la prison Saint-Antoine à Genève est écarté.

Les obstacles ne sont pas uniquement financiers. Les droits sanitaires des détenus engagent des considérations idéologiques. À la différence d’une philosophie pénale focalisée sur la répression, d’autres acteurs mettent l’accent sur la resocialisation des personnes condamnées. Dans cette perspective, avant leur retour à la vie civile, il faut soigner, éduquer par le travail et maintenir les liens familiaux à travers les visites.

C’est cette conviction qu’anime le Professeur Jacques Bernheim (1924-2008), directeur de l’Institut de médecine légale à Genève entre 1961 et 1991. Défenseur de l’éthique en médecine pénitentiaire, sous son impulsion, les services médico-psychiatriques se développent dès les années 1960 à la prison de Saint-Antoine, y compris l’aménagement d’un cabinet dentaire. Une décennie plus tard, le personnel infirmier comptabilise 40 visites par jour pour une population de 120 à 150 détenus, soit plus de 1000 consultations par an.